Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome II.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
LA TRACE

pénible surtout pour les oreilles de celui qui écoute dans l’ombre, le visage toujours enseveli dans ses mains.

« Souffrir ! non, monsieur Blurosset, il n’est plus pour moi de souffrance sur terre. Si, dans l’enfer, les damnés doivent souffrir éternellement les douleurs que j’ai endurées depuis les huit dernières années, les angoisses qui m’ont torturée dans cette nuit d’hiver dans laquelle mourut l’homme que j’aimais ; alors, en vérité, Dieu est une divinité pleine de vengeance. Pensez-vous que le pire châtiment que la loi puisse m’infliger, pour cet horrible crime, puisse approcher des angoisses de mon esprit, tous les jours et à toute heure ? Pensez-vous que je craigne le déshonneur ? Le déshonneur ! bah ! Qu’est-ce que cela ? Il n’y a jamais eu sur terre qu’un seul être dont j’estimasse la bonne opinion, et dont je craignisse le mépris. Cet homme, je l’ai tué. Vous croyez que j’ai peur du monde ? Le monde pour moi, c’était lui, et il est mort. Si vous ne voulez pas être dénoncé comme complice d’une meurtrière et comme son complice, à lui, ne me laissez pas quitter cette chambre ; car, par le ciel qui est sur ma tête, si je quitte cette chambre en vie, je vais aussitôt livrer, vous, Raymond de Marolles et moi-même entre les mains de la justice.

— Et votre fils, madame, que deviendra-t-il ?

— J’ai pris des dispositions pour assurer son bon-