Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome II.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
LA TRACE

nade au delà de la bordure pourpre et cramoisie de son tapis turc, dans un jour comme celui-ci. Les moineaux de Londres, transformés pour le moment en espèce d’oiseaux aquatiques, voltigent tristement sur les petits marécages des terrains gazonnés, flanqués çà et là de groupes surannés de géraniums flétris qui ont vu positivement de plus beaux jours. Ils ont l’air de regarder avec envie la flamme brillante réfléchie sur les doubles fenêtres de l’appartement du comte ; ces moineaux, qui voudraient peut-être s’introduire et se poser sur les côtés du foyer, et j’oserais affirmer qu’ils gazouillent l’un à l’autre en confidence :

« Une magnifique chose que d’être comte de Marolles, d’avoir une fortune qui demanderait toute la vie du vieux Parr pour être calculée, et un bon feu dans la saison humide. »

Cependant, malgré tous ces avantages, Raymond de Marolles ne paraît pas être l’objet le plus enviable de la création, par cette matinée pluvieuse. Son beau visage pâle est plus pâle que jamais ; ses yeux bleus sont cernés de noir, et sa lèvre inférieure a un mouvement nerveux et convulsif, signes qui ne furent et ne seront jamais des indices de la tranquillité d’esprit. Il n’a pas vu Valérie depuis la soirée dans laquelle M. Paul Moucée, autrement dit le signor Mosquetti, a raconté son histoire. Elle est demeurée renfermée dans ses appartements, et Ray-