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LA TRACE

aussi jour qu’en plein midi. Une telle nuit était presque faite pour Lara, et Brandolph du Brand devient sentimental.

« Vous ne voudriez pas croire, murmure-t-il d’un air rêveur, en considérant la lune, tandis que le boxeur et lui marchent en zigzags sur le pavé, vous ne voudriez pas croire qu’elle n’a pas d’atmosphère, le croiriez-vous ? Un individu pourrait y construire un théâtre, et faire monter sa troupe en ballons, mais je vous demande si cela pourrait faire de l’argent, à cause de cette nécessité banale… une atmosphère qu’elle n’a pas ?

— Elle n’en a pas ? dit le boxeur qui certainement avait, à tout prendre, en matière d’ivresse, l’avantage sur le tragédien. Vous aurez un œil au beurre noir si vous ne vous garez pas de ce candélabre de réverbère qui est devant vous. Je n’ai jamais vu un aussi drôle de corps, ajoute-t-il, avec ses atmosphères, et ses lunes, et ses ballons ; on serait porté à croire qu’il n’avait jamais bu avant aujourd’hui un ou deux verres de vin. »

Pour arriver à l’hôtel que le gaucher honorait de sa présence, il était nécessaire de passer sur le quai, et la vue de l’eau et des bâtiments, plongés dans le calme sous la clarté de la lune, éveillèrent de nouveau la poésie naturelle du romanesque Brandolph.

« C’est superbe ! dit-il, prenant sa position favorite, et ouvrant ses bras en rond selon les