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LA TRACE

Richard Marwood, lui, ne peut parvenir à s’endormir. Pourra-t-il jamais dormir ? Ses nerfs pourront-ils jamais regagner une espèce de tranquillité, après la surexcitation des trois ou quatre derniers jours ? Il jette un regard en arrière, sur cette époque horrible, et il se demande et se demande encore, jusqu’à ce qu’il soit à la fin forcé de détourner son esprit de cette pensée de peur de devenir fou, comment il a fait pour endurer tout cela, comment il a pu vivre au milieu de tout cela ? Était-ce défaut de moyens de suicide ? Bah ! il aurait pu se briser la tête contre les murs, il aurait pu refuser résolûment toute nourriture et se condamner ainsi à mourir de faim. Comment fit-il pour endurer tout cela ? Huit ans ! huit siècles ! et à chaque heure nouvelle, une nouvelle angoisse. Faisant un retour vers le passé, il comprend ce qu’alors il ne comprenait pas : c’est que, dans la pire amertume de son désespoir, il y avait un vague et indéfini rayon d’espoir, si vague et si indéfini, qu’il ne pouvait le reconnaître lui-même, et à l’aide duquel, seul, il a supporté le terrible fardeau de ses jours ; et les mains jointes et la tête inclinée, il adresse à ce Dieu, dont la miséricorde a fait descendre sur lui cette clarté éloignée, une action de grâce qui n’est peut-être pas la moins sincère et la moins profonde expression de la honte et du repentir qui s’élève présentement dans