— C’est vrai, soupira miss Morley. Voudriez-vous que ce temps fût moins long ?
— Si je le voudrais ? s’écria George ; oh ! certes oui. Et vous, ne le désirez-vous pas ?
— À peine.
— Il n’y a donc personne en Angleterre que vous aimiez ?… personne qui attende votre arrivée ?…
— J’espère que si, » dit-elle tristement.
Ils gardèrent le silence quelques instants, lui, fumant son cigare avec une impatience furieuse, comme s’il avait pu hâter la marche du vaisseau par sa continuelle agitation ; elle, fixant mélancoliquement dans le ciel obscurci des yeux bleus qui semblaient s’être ternis sur des livres imprimés en caractères très-fins et sur de minutieux travaux d’aiguille, des yeux flétris peut-être par des pleurs secrètement versés dans les mortelles heures des nuits solitaires.
« Voyez ! dit George, indiquant subitement le côté opposé à celui vers lequel miss Morley regardait, voilà la nouvelle lune. »
Elle leva ses regards sur le pâle croissant, et son visage était presque aussi pâle et aussi blafard.
« C’est la première fois que nous la voyons ; nous devons faire un souhait, dit George : je sais ce que je souhaite.
— Quoi donc ?
— De promptement revoir la patrie.
— Pourvu que nous n’y trouvions aucune déception à notre arrivée ! répondit la gouvernante avec tristesse.
— Aucune déception !… »
Il tressaillit comme s’il avait été foudroyé, et lui demanda ce qu’elle entendait par déception.
« Je veux dire, répondit-elle en parlant avec rapidité et en agitant ses petites mains, je veux dire qu’à mesure que ce long voyage tire à sa fin, l’espoir s’affaiblit dans mon cœur ; une crainte nouvelle s’empare