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DE LADY AUDLEY

adopté le dernier parti et, sans rougir, s’intitulait lui-même avocat.

Quelquefois, lorsque la température était brûlante, et qu’il s’était épuisé dans le pénible labeur de fumer sa pipe allemande et de lire des nouvelles françaises, il consentait à aller se promener dans les jardins du Temple, où, s’allongeant en quelque endroit ombragé, pâle et flegmatique, avec son col de chemise rabattu et un foulard de soie bleu négligemment noué autour de son cou, il racontait aux graves jurisconsultes qu’il était rendu par excès de travail.

Les vieux hommes de loi riaient malicieusement à cette fiction plaisante, mais ils convenaient tous que Robert Audley était un excellent camarade, rempli de cœur, et même un curieux garçon, ayant un fond d’esprit piquant et d’originalité tranquille, sous son indolence, sa flânerie, son insouciance et ses manières irrésolues. C’était un homme qui ne ferait jamais son chemin dans le monde, mais qui est incapable de tuer une mouche. En vérité, ses chambres étaient converties en un véritable chenil, par son habitude de donner asile à tous les vilains chiens égarés et surpris par la nuit, qu’il attirait par ses regards dans la rue et qui le suivaient, poussés par une banale affection.

Robert passait toujours la saison de la chasse au château d’Audley ; non qu’il fût chasseur distingué comme Nemrod, car il aimait mieux trotter tranquillement, en toute sécurité, sur un mauvais cheval bai, pacifique, aux membres solides, et se maintenir à une très-respectable distance des cavaliers intrépides, son cheval sachant aussi bien que lui que la chose la plus contraire à ses désirs était d’être exposé à se tuer.

Le jeune homme était le grand favori de son oncle, et sa jolie, espiègle, gaie et folâtre cousine miss Alicia Audley ne le dédaignait pas le moins du monde. La