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Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/126

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LE SECRET

« Maintenant, Phœbé, écoutez-moi, dit-elle en saisissant la soubrette par le poignet et lui parlant à voix basse, mais d’un ton qui n’admettait pas de réplique. Écoutez-moi, Phœbé, je vais ce soir à l’auberge ; qu’il soit tard ou de bonne heure, peu m’importe ; je suis décidée à y aller, et j’irai. Vous m’avez demandé pourquoi, et je vous l’ai dit. J’y vais pour payer cette dette moi-même et m’assurer que l’argent que je donne est employé comme il doit l’être. Il n’y a rien là de bien extraordinaire. Je fais ce que font bon nombre d’autres femmes dans ma position. Je vais rendre service à ma soubrette favorite.

— Mais il est près de minuit, milady. »

Lady Audley fronça le sourcil à cette interruption.

« Si ma visite chez vous pour payer cet homme venait à être connue, je saurais me justifier ; mais je préférerais qu’elle fût ignorée. Je crois pouvoir quitter cette maison et y rentrer sans être vue de personne, si vous voulez m’obéir.

— Je suis prête, milady.

— Eh bien ! vous allez me souhaiter une bonne nuit tout à l’heure, quand ma femme de chambre va venir, et vous vous laisserez reconduire par elle hors de la maison. Vous traverserez la cour et vous m’attendrez de l’autre, côté du portail. Il peut se faire que je vous fasse attendre une demi-heure, car je ne pourrai sortir que lorsque tout le monde sera couché, mais vous prendrez patience. Je vous rejoindrai, quoi qu’il arrive. »

La figure de lady Audley n’était plus pâle. Une rougeur surnaturelle brillait au centre de chaque joue, et ses grands yeux bleus étincelaient. Elle parlait avec une clarté et une rapidité surprenantes. Elle avait l’air et les manières de quelqu’un qui subit l’influence de quelque émotion violente. Phœbé Marks la regardait avec épouvante. Elle commençait à craindre que son ancienne maîtresse ne devînt folle.