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Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/139

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DE LADY AUDLEY

gré, moitié de force, hors de la maison. La pression convulsive de sa main mignonne sur le bras de sa compagne avait en ce moment autant de force qu’un étau de fer. Le violent vent de mars referma brusquement la porte de l’auberge, et les deux femmes se trouvèrent de nouveau sur la route, au milieu des ténèbres. La longue route noire s’étendait morne et désolée devant elles, à peine visible entre les rangées d’arbres dépouillés.

Une promenade de trois milles de long sur une route déserte, entre une et deux heures du matin, par le froid piquant d’une matinée d’hiver, est loin d’être un divertissement pour une femme délicate, pour une femme qui aime ses aises et le confortable. Mais milady n’en courait pas moins sur le terrain durci et inégal de la grande route. Elle traînait après elle sa malheureuse compagne comme si le génie du mal l’avait douée d’une force indomptable. Par cette nuit noire qui les enveloppait — par ce vent terrible qui soufflait autour d’elles des quatre points cardinaux, balayant une vaste étendue de terrain cachée par les ténèbres et se déchaînant avec toute sa violence sur elles — les deux femmes descendirent la colline sur laquelle s’élevait Mount Stanning, le long d’un mille et demi de terrain plat, et gravirent la côte au nord de celle qui recelait sur sa pente opposée le riant coin de terre où le château d’Audley était enseveli loin du tumulte et des clameurs du monde.

Milady s’arrêta au sommet de cette colline pour reprendre haleine et étreindre son cœur à deux mains dans l’espoir d’en étouffer les battements douloureux. Elles n’étaient plus maintenant qu’à trois quarts de mille du château. Il y avait environ une heure qu’elles avaient quitté l’auberge du Château.

Lady Audley, pendant cette halte, tourna la tête vers le but de sa course. Phœbé Marks s’arrêta aussi,