Pourquoi, par ce pâle soleil de mars, était-elle venue se promener avec sa belle-fille qu’elle détestait, sur ce chemin désagréable ? Parce qu’elle ne pouvait rester en place et attendre dans l’intérieur de la maison, une nouvelle qu’elle savait devoir arriver. Elle avait d’abord souhaité que cette nouvelle ne pût venir, que quelque convulsion de la nature l’en empêchât, que le messager qui l’apportait fût tué par la foudre ou que la terre s’entr’ouvrît sous ses pieds, et que des gouffres infranchissables séparassent l’endroit d’où devaient venir les nouvelles de celui où elles seraient apportées. Elle avait désiré que la terre demeurât immobile et que les éléments paralysés ne s’acquittassent plus de leurs fonctions naturelles, que la marche du temps fût arrêtée et que le jour du jugement dernier arrivât pour la faire comparaître devant Dieu et non devant les hommes. Dans l’état confus où était son cerveau, elle avait eu le temps de réfléchir à chacune de ses pensées, et pendant qu’elle dormait sur le sofa de son cabinet de toilette, elle avait rêvé à toutes ces choses et à cent autres portant sur le même sujet ; elle avait rêvé qu’un petit ruisseau qui coulait entre Mount Stanning et le château d’Audley, s’était changé en une rivière, puis en un vaste océan, et que le village de la colline avait disparu sous les eaux. Elle avait rêvé qu’elle voyait le messager entravé dans sa marche par un million d’obstacles, tantôt sérieux, tantôt futiles, mais jamais naturels ni probables, et quand elle était descendue, la mémoire encore remplie de ces rêves, elle avait été étonnée de voir que la maison était si calme et qu’aucune nouvelle n’y était encore parvenue.
Un changement complet se fit alors dans son esprit. Elle ne désira plus retarder cette terrible nouvelle. Elle souhaita de voir finir son angoisse, quelle qu’elle fût, et d’arriver au moment où le tourment qu’elle en-