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Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/243

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DE LADY AUDLEY

« Il n’a pas sa raison, se dit Robert, ayons de la patience ; c’est bien le moins que je sois patient avec un moribond. »

Luke Marks contempla quelque temps Robert en souriant toujours de la même manière. La vieille, fatiguée d’avoir veillé plusieurs nuits de suite, s’était assoupie sur une chaise auprès du feu où bouillait la soupe qu’elle avait préparée.

Robert Audley attendit très-patiemment qu’il plût au malade de parler. Le moindre bruit arrivait distinctement à son oreille à cette heure de mort. Les cendres qui s’échappaient de la grille, le pétillement de la flamme, le tic-tac de la vieille pendule, les sourds gémissements du vent de mars (qui paraissait être la voix d’une banshee anglaise criant son avertissement funèbre à ceux qui veillaient le mourant), la respiration pénible du malade : chaque son s’entendait séparément et prenait une voix qui retentissait comme un sombre message dans le silence solennel de la maison.

Robert avait caché sa figure dans ses mains, et songeait à ce qu’il allait devenir maintenant que l’histoire de George Talboys était finie, et que sa femme coupable était enfermée dans une maison de fous de la Belgique. Qu’allait-il devenir ?

Il ne pouvait se rendre auprès de Clara Talboys, car il voulait garder pour lui le secret horrible qu’on lui avait révélé. Comment oserait-il l’aborder avec l’intention de ne rien lui dire ? Comment pourrait-il regarder ses yeux et ne pas lui avouer toute la vérité ? Il sentait que toute sa force faiblirait devant ce regard calme et pénétrant. Se taire : il valait mieux ne plus la revoir. Tout dire : c’était empoisonner la vie de la jeune fille et la rendre malheureuse tant qu’elle n’aurait pas vengé son frère assassiné et oublié dans la tombe.

Ainsi entourée de difficultés qui lui paraissaient tout