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Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/271

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DE LADY AUDLEY

vous m’aviez écrit de donner de l’air à votre chambre.

— Très-bien, mistress Maloney, vous me servirez à dîner aussitôt que vous voudrez ; n’oubliez pas la pinte de sherry et veillez à mes bagages. »

Il monta tranquillement chez lui pour voir quel était son visiteur. Ce ne devait pas être un personnage important. Un créancier peut-être, car il avait tout laissé en désarroi en se rendant à l’invitation de M. Talboys ; et depuis lors, il s’était trouvé si bien dans la planète de l’amour, qu’il avait oublié toutes les affaires terrestres et les notes des tailleurs.

Il ouvrit la porte de son salon et entra. Les canaris chantaient leurs adieux au soleil couchant et les derniers reflets du jour se jouaient parmi les feuilles des géraniums. Le visiteur, quel qu’il fût, était assis le dos tourné contre la fenêtre et la tête penchée sur la poitrine ; mais il se leva en entendant Robert entrer et le jeune homme poussa un cri de joie et de surprise en tombant dans les bras de George Talboys, son ami perdu.

Mistress Maloney commanda un dîner plus copieux à la taverne qu’elle honorait de sa pratique, et les deux amis veillèrent une partie de la nuit au coin de ce feu qui avait été si longtemps solitaire.

Nous savons tout ce que Robert avait à dire. Il toucha légèrement à ce qui pouvait chagriner son ami ; il parla très-peu de la misérable femme qui terminait sa vie dans un faubourg retiré de la ville belge.

George Talboys parla brièvement de cette radieuse journée de septembre, où il avait laissé son ami endormi au bord de l’eau, pendant qu’il allait reprocher à sa femme l’infâme complot qui lui avait brisé le cœur.

« Dieu m’est témoin que, du moment où je tombai dans le puits, connaissant la main perfide qui m’avait poussé là où je pouvais mourir, ma première pensée