— Oui. Vous devez vous rappeler, miss Talboys, que tous mes soupçons reposent sur le fait de l’identité de deux personnes qui n’ont aucun rapport apparent. C’est l’identité d’une personne qui passe pour morte avec une autre qui est vivante. Le complot dont votre frère a, je crois, été la victime n’a pas d’autre raison d’être. Si sa femme, Helen Talboys, mourut quand les journaux ont annoncé sa mort… si la femme qui repose sous la pierre du cimetière de Ventnor est réellement celle dont le nom est gravé sur cette pierre… je ne suis sur la voie d’aucune découverte. Je vais tenter d’en avoir le cœur net prochainement. Je suis à même d’agir avec beaucoup d’audace, et j’arriverai sans doute à connaître la vérité. »
Il parlait à voix basse et d’un ton solennel qui laissait percer son émotion. Miss Talboys lui tendit sa main dégantée et la plaça dans la sienne. Le contact de cette main froide et fine le fit tressaillir des pieds à la tête.
« Vous ne voudrez pas que la mort de mon frère reste à tout jamais un mystère, monsieur Audley, dit-elle tranquillement. Je sais que vous ferez votre devoir envers votre ami. »
La femme du recteur et ses deux compagnons entrèrent en ce moment dans le cimetière. Robert Audley serra la main qui touchait la sienne, et la porta à ses lèvres.
« Je suis un être indolent et bon à peu de chose, miss Talboys ; mais si je pouvais ramener votre frère George à la vie et au bonheur, je me préoccuperais fort peu du sacrifice de mes sentiments. Je crains malheureusement d’arriver seulement à savoir ce qu’il est devenu, et pour cela faire, il me faudra sacrifier ce que j’ai de plus cher au monde. »
Il mit son chapeau et disparut par la porte de la prairie, à l’instant où mistress Martyn apparaissait sous le porche.