misanthrope, il était complètement indifférent à ce qui se passait autour de lui. Pourquoi, dès lors, la vie civilisée ne l’aurait-elle pas dégoûté au point de le faire repartir pour l’Australie et y chercher une distraction à sa douleur ? Ce serait là un fait un peu romanesque, mais qui n’a rien d’extraordinaire. Au lieu de vous contenter de cette simple interprétation de la disparition de votre ami, vous inventez quelque absurde complot qui n’a jamais existé que dans votre cerveau en délire. Helen Talboys est morte. Le Times a annoncé sa mort. Son père vous l’a déclarée. La pierre tumulaire du cimetière de Ventnor porte la date de son enterrement. De quel droit, s’écria milady élevant la voix à ce diapason criard qui indique une vive émotion, — de quel droit, monsieur Audley, venez-vous me tourmenter au sujet de George Talboys ? — de quel droit osez-vous affirmer que sa femme est encore vivante ?
— En vertu du droit qui m’est conféré par l’évidence, lady Audley, répondit Robert, — en vertu de ces preuves indestructibles qui désignent souvent la personne qu’on était bien loin de soupçonner tout d’abord.
— Quelles preuves ?
— Celles du temps et du lieu. Celles de l’écriture. Lorsqu’Helen Talboys quitta la maison de son père à Wildernsea, elle a laissé derrière elle une lettre, — une lettre dans laquelle elle avouait qu’elle était lasse du genre de vie qu’elle menait et qu’elle voulait chercher ailleurs une famille nouvelle et la fortune. Cette lettre est en ma possession.
— Vraiment !
— Faut-il vous dire à l’écriture de qui celle d’Helen Talboys ressemble si bien, que l’expert le plus habile ne verrait aucune différence entre les deux ?
— Une ressemblance entre deux écritures n’a rien