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Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/93

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DE LADY AUDLEY

— Il y était tout à l’heure.

— Et il y est toujours, je suppose ?

— Non, il est parti.

— Parti ! s’écria sir Michaël ; que voulez-vous dire, ma chère ?

— Je veux dire que votre neveu est venu au château cette après-dînée. Alicia et moi nous l’avons trouvé errant dans les jardins. Il y a un quart d’heure, il me parlait encore, puis il est parti sans autre explication que quelques mots d’excuse à propos d’une affaire à Mount Stanning.

— Une affaire à Mount Stanning ! Quelle diable d’affaire peut-il avoir dans cet endroit écarté ? Il est allé y coucher alors ?

— Il me semble qu’il a annoncé quelque chose de ce genre.

— Ma parole, je crois que ce garçon est à moitié fou. »

La figure de milady était tellement dans l’ombre, que sir Michaël n’aperçut pas le changement subit qui s’opéra sur cette pâle physionomie, quand il fit cette observation si commune. Un sourire de triomphe illumina la figure de Lucy Audley, et ce sourire disait à ne pas s’y méprendre :

« Il y vient… il y vient ; je le tourne du côté qu’il me plaît. Je puis lui présenter du noir et lui dire que c’est du blanc, il me croira. »

Mais sir Michaël Audley, en disant que l’esprit de son neveu était dérangé, se servait d’une locution qui est connue pour avoir très-peu de portée. Le baronnet n’avait pas, il est vrai, en bien grande estime l’habileté de Robert pour les affaires de la vie journalière. Il regardait depuis longtemps son neveu comme une nullité douée d’un bon cœur, — comme un homme auquel la nature n’avait refusé aucune des qualités généreuses qu’elle peut prodiguer, mais dont le cerveau avait été oublié, lors de la distribution des qua-