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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/133

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LES OISEAUX DE PROIE

et nous allâmes errer ensemble sur le coteau voisin, au gré de notre fantaisie, de sa fantaisie pour mieux dire, car pouvais-je faire autre chose que de la suivre partout où il lui plaisait de me conduire ?

« Nous parlâmes de beaucoup de choses : du père qu’elle avait aimé si tendrement, et dont le souvenir était encore si cher et si présent à sa mémoire ; de son ancienne demeure à Hiley ; de ses visites chez les bons Mercer ; du temps qu’elle avait passé en pension ; de sa résidence actuelle, qui lui déplaisait, la brillante villa de Bayswater. Jamais, elle ne m’avait témoigné autant de confiance, et lorsque nous revînmes, ramenés par le déclin d’un soir d’automne, je lui avais avoué que je l’aimais, j’avais obtenu, oui… j’avais obtenu d’elle le doux aveu que j’étais aimé !

« Je n’avais jamais ressenti de bonheur pareil à celui que j’éprouvai pendant notre retour à la maison… oui, désormais cette vieille ferme devait être ma maison comme la sienne, car dans toute habitation préférée par elle, ma pensée devait la suivre. Le calme de la réflexion m’a fait sentir depuis combien ma conduite a été légère et imprudente dans toute cette affaire ; mais quand l’amour et la prudence ont-ils jamais marché d’accord ? Nous étions deux enfants, Charlotte et moi, dans cette bienheureuse après-midi, et nous nous sommes dit notre amour comme des enfants auraient pu le faire, sans nous soucier autrement de l’avenir. Depuis, nous sommes devenus plus sages l’un et l’autre ; nous avons reconnu notre folle imprudence ; mais tout en cherchant à envisager l’avenir de la façon la plus sérieuse, nous sommes trop heureux dans le présent pour être bien en état de nous rendre compte des difficultés et des dangers qui pourront se rencontrer sur notre chemin.