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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/137

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LES OISEAUX DE PROIE

« Après avoir expédié ma lettre pour Sheldon, je courus à la ferme de Newhall. J’avais reçu du meilleur des oncles et de la meilleure des tantes une sorte d’invitation en bloc, mais, par discrétion, je m’arrangeai de manière à n’arriver chez M. Mercer, qu’après l’heure du dîner. Je trouvai Charlotte seule dans le bon vieux parloir ; la tante était occupée à la cuisine, l’oncle faisait sa tournée ordinaire de l’après-dînée dans les porcheries, les étables, les granges. J’ai appris par la suite que Mlle Halliday avait l’habitude d’accompagner son excellent parent dans cette visite d’après-midi, mais ce jour-là, elle s’était plaint d’une petite migraine et avait préféré rester à la maison. Elle avait cependant fort peu de disposition à la migraine. Je la trouvai appuyée sur la fenêtre, regardant la route par laquelle j’arrivais. L’aurore en personne n’aurait pu être plus éblouissante. Elle m’accueillit avec un sourire presque divin.

« Nous nous assîmes près de la fenêtre où nous restâmes à causer jusqu’à ce que les lueurs grises du crépuscule se fussent étendues sur la prairie et que les moutons fussent rentrés au bercail, au gai tintement des clochettes, accompagné des larges coups de gueule des chiens. Ma Charlotte me dit que notre secret avait déjà été surpris par sa tante et son oncle. Il paraît même qu’ils l’avaient taquinée toute la journée à mon sujet, mais en bons parents.

« — Ils vous aiment réellement beaucoup, dit joyeusement ma Charlotte ; mais je crois qu’ils pensent que je vous connais depuis bien plus longtemps et que vous êtes tout à fait intime avec mon beau-père. C’est presque les tromper que de leur laisser croire cela ; mais je n’ai réellement pas eu le courage de leur avouer la vérité. Combien ils me jugeraient imprudente s’ils sa-