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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/140

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LES OISEAUX DE PROIE

cette soi-disant belle villa et tous ces soi-disant agréments. Vous voyez combien je suis heureuse ici où il n’y a aucune prétention aux grandeurs.

« — Mais je dois vous prévenir que nous ne serons pas en état dans les commencements de nous donner le luxe de thés comme ceux d’ici, lui fis-je remarquer en manière de parenthèse.

« — Ma tante nous enverra des paniers de volailles et de gâteaux, monsieur, et en attendant, nous nous arrangerons pour vivre de pain et d’eau.

« Je promis alors à ma bien-aimée un hôtel avec un landau mieux construit que celui de M. Sheldon, pour plus tard, bien entendu. Je suivrais ses beaux yeux comme une étoile, et je me sentais assez fort pour gravir la pente glissante qui mène jusqu’au sac de laine qui sert de siège au Grand Chancelier.

« Après que nous fûmes restés longtemps assis dans la demi-obscurité, bavardant avec ivresse, la tante Dorothée arriva, suivie par une robuste servante qui apportait des lumières et une autre servante, non moins robuste, chargée d’un lourd plateau, couvert de tout ce qu’il faut pour le thé ; elles étendirent sur la table une nappe d’une blancheur de neige. Presque aussitôt entra l’oncle Joé ; comme la tante Dorothée il se montra aimable, presque farceur.

« Le thé fut suivi d’une nouvelle partie de whist, dans laquelle la tante Dorothée et moi remportâmes une victoire facile sur Charlotte et l’oncle Joé. L’intimité familière de ce cercle domestique me mettait de plus en plus à mon aise ; j’y jouissais avec orgueil de la position d’un fiancé attitré. Mes Arcadiens ne s’inquiétaient en aucune façon de l’approbation ou de la désapprobation