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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/164

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LES OISEAUX DE PROIE

sérieusement, en lui racontant tout ce qu’il avait entendu dire. Elle l’écouta assez tranquillement, mais il était facile de voir qu’elle ne croyait pas un mot de ce qu’il lui rapportait. « Je sais que l’on a pu vous raconter tout cela, James, dit-elle ; mais ceux qui l’ont dit savaient qu’ils mentaient. Lord Dursville et son frère ne sont pas aimés dans ce pays, et il n’y a rien que la méchanceté de leurs ennemis n’ait inventé. » Elle lui répondit comme cela de belles paroles. Seulement, le lendemain matin, elle n’était plus là.

« — Susan s’était donc enfuie avec M. Kingdon ? demandai-je à M. Mercer.

« — Oui ; elle laissa une lettre pour sa sœur, bourrée de phrases romanesques, où elle affirmait qu’elle l’aimait d’autant plus qu’il était calomnié ; langage des femmes, enfin, vous savez… Béni soit ce pauvre cœur aveuglé ! murmura M. Mercer, avec une pitié tendre. Elle se rendait à Londres pour se marier avec M. Kingdon, disait sa lettre, ils devaient se marier à la vieille église de la Cité dans laquelle elle avait été baptisée ; elle allait demeurer chez une ancienne amie… une jeune femme qui avait été autrefois courtisée par son frère et avait depuis épousé un boucher établi près du marché de Newgate… en attendant que les bans fussent publiés ou la licence achetée. La femme du boucher avait une maison à la campagne, et c’est là où Susan allait demeurer.

« — Tout cela paraissait assez régulier, dis-je.

« — Oui, répliqua l’oncle Joé, mais si M. Kingdon avait eu l’intention d’agir honorablement avec Susan, il lui aurait été tout aussi facile de se marier à Barngrave qu’à Londres. Il était pauvre comme un rat d’église, mais il était son propre maître et personne ne l’eût em-