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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/230

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LES OISEAUX DE PROIE

cérité et ses bonnes dispositions dans une circonstance solennelle, elle se reprochait tout cela comme des torts graves.

« Je lis souvent le Sermon sur la Montagne, se disait-elle, et malgré cela, dans mes pensées à l’égard de M. Sheldon, je ne puis jamais me souvenir de ces mots : « Ne jugez pas si vous ne voulez pas être jugés. » Sa bonté me touche jusqu’au fond du cœur, et mon injustice me la fait sentir d’autant plus vivement. »

Elle suivit son beau-père dans son petit cabinet. Il n’y avait pas de feu, et par cette journée de décembre, la chambre était plus froide qu’un caveau. Charlotte frissonnait, elle serra plus étroitement sa jaquette autour de sa taille en s’asseyant sur l’une des chaises en maroquin rouge.

« Cette chambre est bien froide, dit-elle, très… très-froide. »

Après cela il y eut une courte pause pendant laquelle Sheldon prit dans la poche de son pardessus quelques papiers qu’il rangea dans son pupitre d’un air distrait, comme s’il eût été plutôt préoccupé de ce qu’il allait dire que de ce qu’il était en train de faire. Charlotte trouva assez de courage pour prendre la parole la première.

« J’ai à vous remercier, monsieur… papa, dit-elle, prononçant le « papa » avec un léger effort. J’ai… j’ai voulu vous remercier pendant ces deux derniers jours, seulement il y a des choses qui sont si difficiles à dire que…

— Je ne mérite, ni ne désire vos remercîments, ma chère, je n’ai fait que mon devoir.

— Mais, si vraiment, vous les méritez, et je vous les adresse en toute sincérité, papa. Vous avez été très…