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LES OISEAUX DE PROIE

richement reliés qui apparaissaient derrière les portes vitrées de la bibliothèque et se demandait si jamais personne en avait lu un seul.

« Je voudrais bien relire les romans de ce cher sir Walter Scott, pensait-elle, il n’y a jamais eu de roman plus charmant que la Fiancée de Lammermoor, et je ne crois pas qu’on puisse se lasser de le lire ; mais demander la clef de cette bibliothèque à M. Sheldon n’est pas chose possible. Je crois que ses livres sont des éditions spéciales qui ne sont pas destinées à être lues. Je serais curieuse de savoir si ce sont de vrais livres ou simplement des décors mis par le tapissier. »

Puis, son imagination se mit à vagabonder vers ce charmant modèle de cottage, où elle et Valentin iraient demeurer lorsqu’ils seraient mariés. Elle ne cessait de remeubler ce cottage. Elle le construisait et le reconstruisait, suivant le caprice du moment. Tantôt il devait avoir des fenêtres arquées, tantôt des croisées dans le style du temps d’Élisabeth ; ce devait être le plus simple, le plus original des cottages, entouré de rosiers, avec des fenêtres à coulisses, et une épaisse toiture en chaume. En cet instant, elle s’amusait à composer une petite bibliothèque pour Valentin, en attendant que Sheldon reprît l’entretien. Il aurait d’abord tous ses livres favoris à elle, cela allait de soi, et on les ferait relier de la plus élégante façon. Elle voyait déjà les petits volumes soigneusement rangés sur les tablettes en bois de chêne sculpté, que Valentin achèterait d’occasion. Elle se voyait elle-même, au bras de son mari, courant les marchands de bric-à-brac, à la recherche d’une bonne occasion. Ah ! que de bonheur, que de délices dans cette pensée ! Et combien peu, hélas ! de tous ces rêves brillants se trouvent réalisés sur la terre ! Et