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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/85

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LES OISEAUX DE PROIE

— Vous êtes bien bon de me promettre un millionnaire. Mon existence a été si remarquablement fortunée jusqu’à présent, que je suis bien en droit de l’attendre. Mon millionnaire vous invitera à dîner et vous pourrez jouer à l’écarté avec lui. Papa aime beaucoup l’écarté.

— Ne me parlez pas de cela, Diana, dit Haukehurst presque frémissant. Oublions plutôt que nous ayons jamais mené une semblable vie.

— Oui, répondit Diana, oublions-le si nous pouvons. »

Le ton d’amertume avec lequel elle s’exprimait le frappa péniblement. Il demeura assis en silence pendant quelques minutes, la jugeant malheureuse, la plaignant ; sa vie lui semblait barrée. Pour lui, il pouvait espérer rencontrer quelque chance de réussite. Il était libre de courir le monde, de tenter de s’y frayer un chemin, mais que pouvait faire une femme abandonnée au milieu de ce triste monde ? Elle ne pouvait attendre que la venue du prince qui viendrait la délivrer ! Et Valentin se rappela combien de femmes l’avaient vainement attendu, ce prince charmant.

« Oh ! ayons des femmes médecins, des femmes avocats, des femmes poètes, des femmes manœuvres, n’importe quoi, plutôt que ces créatures dépendantes qui, dans une maison étrangère, fabriquent des prie-Dieu en soupirant après la liberté ! » pensa-t-il en lui-même pendant qu’il considérait la pâle figure de son amie à la faible clarté du soir. « Laissez pour un instant votre ouvrage et parlez-moi, Diana, dit-il avec quelque impatience. Vous ne sauriez croire combien il est pénible de voir s’abrutir sur un travail à l’aiguille la femme qui vous est le plus sympathique. J’ai peur que vous ne soyez pas heureuse dans cette maison. Ayez confiance