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LES OISEAUX DE PROIE

avouer que j’avais quelque chose du solliciteur. Mais lorsqu’il vit que j’avais seulement besoin de renseignements, ses yeux gris s’adoucirent un peu et il m’engagea à le suivre.

« Son parloir n’était guère moins sombre que sa boutique. Le mobilier semblait être sorti d’une manufacture contemporaine des Meynell, et la lumière du gaz y semblait une sorte d’anachronisme. Après quelques observations préliminaires, peu encouragées par les manières de M. Grewter, je m’informai s’il avait jamais connu le nom de Meynell.

« — Oui, dit-il, il y avait un Meynell qui demeurait dans cette rue quand j’étais jeune… Christian Meynell, un fabricant de tapis. La maison de commerce existe encore, et c’est une très-vieille maison, car elle était déjà ancienne au temps de Meynell. Mais Meynell est mort avant mon mariage, et son nom est aujourd’hui presque oublié.

« N’avait-il pas de fils ? demandai-je.

« — Assurément, oui ; il avait un fils, Samuel. C’était un de mes camarades. Mais il n’a pas pris goût aux affaires, et, après la mort de son père, il a laissé les choses aller à la diable… C’était une espèce d’écervelé. Il est mort deux ou trois ans après son père.

« — Est-il mort célibataire ?

« — Oui. Il avait bien été question d’un mariage avec une Mlle Doberly, dont le père était fabricant de meubles ; mais Samuel était trop extravagant pour les Doberly, qui étaient des gens posés. Il est parti pour l’étranger, où il a pris une espèce de fièvre qui l’a tué.

« — Est-ce que ce fils était le seul enfant de Christian ?

« — Non ; il y avait de plus deux filles. La plus jeune s’est mariée ; l’aînée est venue demeurer avec elle… et