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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/99

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LES OISEAUX DE PROIE

M. Sparsfield et son fils ne le dégustèrent pas moins avec autant de plaisir que si c’eût été le plus exquis des nectars.

« M. Sparsfield l’aîné avait quelques rhumatismes et était légèrement asthmatique, mais c’était malgré tout un joyeux vieillard, très-disposé à parler des vieux temps où Barbican et Aldergate Street étaient bien autrement agréables qu’aujourd’hui, ou du moins lui avaient paru tels.

« — Meynell !… s’écria-t-il. J’ai connu Samuel Meynell aussi bien que si c’eût été mon propre frère, et j’ai connu le vieux Christian Meynell presque comme si c’eût été mon père. Il y avait plus de sociabilité à cette époque, voyez-vous, monsieur, Il semble aujourd’hui que le monde soit trop plein pour laisser place à l’amitié. Il n’y a plus que lutte et concurrence, concurrence et lutte partout. Un homme vous fera maintenant pour vingt-cinq shillings un cadre qui aura plus d’apparence que celui que je pourrais faire pour cinq livres. Seulement, la dorure sera complétement partie au bout d’un an. Voilà comment le monde marche aujourd’hui. Il y a beaucoup de choses dorées qui ont de belles apparences, mais cela ne dure pas.

« Après avoir laissé au bonhomme le temps de moraliser à son aise, je le ramenai poliment au sujet qui m’intéressait.

« — Samuel Meynell était le meilleur garçon qui eût jamais existé, dit-il ; mais il aimait trop la taverne. Il y en avait à cette époque de très-agréables où l’on avait l’habitude de se réunir pour causer des choses du jour, on se tenait compagnie, en prenant un verre de liqueur et en fumant une pipe. Le pauvre Samuel Meynell y prenait un peu trop de sa liqueur favorite, et lorsque