Aller au contenu

Page:Brandimbourg - Croquis du vice, 1897.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
CROQUIS DU VICE

Nana eut un plissement des lèvres en une moue perceptible à peine, et, les yeux mi-clos, dans un mouvement de tête, sec, rapide, elle insista : « Allons ! dépêchez-vous. »

Elle avait des yeux noirs profonds comme les gouffres, sinistre comme l’ombre des ponts le soir où la lune s’endort par delà les nues, doux comme le duvet des oiselets, charmeurs comme les mélodies que joue le vent les soirs d’automne dans les grands bois. Le vice en avait fait sa demeure et regardait par ces yeux noirs, profond comme les gouffres.

— Monsieur, donnez-moi dix sous.

Il restait, sur place, indécis, avec des envies de fuir et des désirs de rester.

Machinalement, il lui jette une pièce blanche.

Elle est un instant sans remuer, fixant toujours l’homme qui la regarde. Elle fait un pas et se retourne : sa tête a le même mouvement sec, rapide et ses lèvres reprennent aux chérubins leur sourire.