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Page:Brandimbourg - Croquis du vice, 1897.djvu/246

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CROQUIS DU VICE

— John, dit-elle, portez cette lettre. Vous demanderez une réponse.

— Oui, Madame… S’il n’y avait personne, Madame veut-elle que je laisse la lettre de Madame ?

— Il y aura quelqu’un. Allez !

Jamais à son groom elle n’avait parlé avec tant de sécheresse. Les joue roses de ce gamin de treize ans, ses yeux bleu clair comme les ciels du Bosphore, profonds comme les horizons lointains, lui avaient incité, d’abord, une certaine tendresse, toute de sympathie. Et maintenant, cette sympathie, cette tendresse la terrifiaient. Près de cet enfant, elle ressentait une oppression étrange, un serrement de poitrine, pareils à ceux qu’elle avait, il y a vingt-cinq ans, alors qu’au parloir du couvent elle passait dans sa robe de pensionnaire devant les jeunes gens rougissants. Elle avait peur d’elle et pourtant se complaisait dans cette crainte qui devenait une affirmation de sa vitalité, d’un réveil brutal de ses sens, d’un affolement de tout son être.