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les mémoires d’un soldat inconnu

lassitude, et les batailles du jour s’ajoutent aux batailles de la nuit. Sans interruption, le fléau progresse : il trouve sa force et sa puissance dans notre épuisement et nos misères.

Nos morts glorieux, nos glorieux blessés, l’avance glorieuse de nos armées, magnifiques poussées de nos troupes, splendide tenue des troupiers ! Il paraît que, fusil fleuri et cocarde au képi, l’œil fier, c’est en chantant que nous montons à l’assaut. Vieux clichés usés, rouillés, d’album au fermoir de fonte, à la couverture de peluche verte, et qui sent le moisi des salons oubliés. La vignette ne représente pas le négatif. Nous sommes sales, dépenaillés, pouilleux, cuits de fièvre. Hébétés, nous nous lançons à l’assaut comme des chiens à la curée.

Magnifique. Superbe. Splendide. Crimes. Horreurs. Atrocités. La guerre aura fait tout voir. En bouleversant le monde, elle fait jaillir tout ce qu’il contient de beau, de noble, et met éga-