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adolphe brassard

— Il ne faut pas tant haïr ceux que tu viens de voir ; ce sont des vaincus.

— Ah ! les écraser, tous !

Je ne puis continuer. Je revois les atrocités commises : les hommes crucifiés, les femmes outragées, les baïonnettes fouillant les berceaux.

— Oui, il faut haïr, dis-je égaré.

Mais le groupe lamentable de l’enclos se précise, et j’ajoute :

— Il faut aussi essayer de pardonner.

Haïr, pardonner, tout s’embrouille dans une sauvage mêlée où ne se distingue plus le camp qui donne les coups les plus coupables. Aussi, je ne sais plus quelle direction donner à mes pensées et à mes yeux. Partout, c’est le massacre. Mon front cherche l’appui de ma main, et mes doigts s’attardent à la meurtrissure de ma joue.

— Vous avez été douloureusement blessé, monsieur.

Je change en sourire le rictus qui pèse sur ma lèvre :

— Oh ! une égratignure.