Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
adolphe brassard

Puisse le ciel que les événements d’alors la fassent mentir ! Ce sera signe que le monde a recouvré son équilibre en l’appuyant aux croix des clochers.

Je place ce calepin sur ma poitrine… Disparaîtra-t-il dans ma poussière ?…

FIN DU CALEPIN NOIR
***

Dans l’abri matelassé de sacs de sable désormais inutiles, la chandelle, trois fois renouvelée, mêle le reste de sa flamme jaune au jour gris qui commence…

Les deux hommes se sont levés. Appuyés à l’une des meurtrières, ils regardent les poteaux de barbelés, le sol difforme, la crête des coteaux trouée par la mitraille, les arbres calcinés, et les ruines qui, ici et là, se dressent dans la campagne blême. Tout est figé dans un silence de cimetière. Pas un souffle. On dirait que l’espace craint de se voir encore lacérer. Une clarté dérange peureusement l’horizon, et les ombres fuient, s’enfoncent, et disparaissent dans les dépressions du terrain.