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adolphe brassard

— Ah ! Pour de bon, tu deviens indécent. Si on t’entendait !

— Je sais, on en ferait des gorges chaudes. Les opinions d’un gars de faubourg, ça ne compte pas. On est des bougres, mais la vie des tranchées nous a appris ben des choses ; et ceux qui coiffaient des chapeaux de soie pendant la guerre font mieux de traiter à égaux ceux qui, à la même époque, portaient les casques de tôle. L’opinion que je viens d’émettre sur les cousins d’Amérique, je la répéterais au Président de la République. Pour avoir défendu sa poitrine à coups de grenades, on n’en a pas peur des plastrons blancs, maintenant.

— Tu m’impressionnes !

— Suffit. Tantôt on a sa feuille de route en main, hein ? On partira chacun de son côté.

— Pour une dernière veillée ensemble, que dirais-tu de la passer en lisant les papiers du mort ? Après la soupe, ça va ?

— Ça va.

— On s’installera dans not’ boudoir particulier. Procure-toi des bougies ; l’électricité fait encore défaut.