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adolphe brassard

Je prends le mort par les épaules et, lorsque je le dépose sur la toile rude, une de ses mains glisse le long de mon bras et touche mes doigts. Je me sauve, bouleversé. Il est quatre heures de l’après-midi. La bataille a donc duré plus de trois heures. Nos pertes sont considérables. Je suis certain que ça ne peut être plus meurtrier. La tranchée conquise ne diffère pas beaucoup de celle que nous occupions le matin. Peut-être un peu plus solide, un peu plus confortable surtout. Sur les parois, sur les sacs de sable, des mots sont tracés que je ne puis lire, mais les dessins sont éloquents : il y en a de naïvement pieux, d’autres d’artistiquement salauds. Nous les regardons en amateurs… Mais ce qui nous enthousiasme, c’est quand nous apercevons, dans un retrait d’environ quinze pieds carrés, une large cuvette débordante d’eau claire et qu’alimente un tuyau qui vient Dieu sait d’où. L’oasis nous vaut de copieuses ablutions que suivent des