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— Holà les grimaces, criait-il, pas de pleurnichage autour de moi, je n’en veux pas.

Ayant décidé d’un avenir sans consolation pour Gilberte, Joachim voulait sa victime souriante.

Le souci de ses occupations journalières, fit sortir Gilberte de sa rêverie. De son pas souple, elle retourna à la cuisine, et se mit en devoir d’apprêter les légumes apportés le matin. Pour ce travail, elle alla s’asseoir sur les marches du perron. De là elle embrassait tous les bâtiments de la ferme, bien disposés et blanchis à la chaux. Près du poulailler, de gros tournesols montraient leurs fleurs énormes, telles des éclipses de soleil. L’eau courante d’un abreuvoir chantait dans un bassin de pierre ombragé d’un peuplier. Les chevaux de trait, au repos ce jour-là dans le petit enclos non loin de la maison, s’émouchaient lentement de leurs crins soyeux. Des pigeons blancs et bleus volaient continuellement en faisant claquer leurs ailes.

Gilberte regarda à tour de rôle ces choses familières, et soupira. Mais bientôt un sourire s’ébaucha sur ses lèvres ouvertes par un brin de chanson. Elle était si jeune sous ce beau ciel victorieux…

Pendant ce temps, le vieux Joachim fumait sa pipe tout en se promenant de long en large dans la pièce qu’il n’avait pas quittée. Il jetait souvent un regard sur sa nièce, dont le fin profil se dessinait très pur dans l’encadrement de la porte.

— Hé, hé, marmotta-t-il, une fière ménagère que j’ai là et dire qu’elle sera toujours à mon service.

Toujours ! quel mot téméraire.