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dans ce cœur, dont le blindage d’égoïsme ne s’était ouvert que pour y laisser entrer la haine : haine contre ce Bordier dont le nom seul mettait un blasphème dans la bouche du fermier, haine contre cette Gilberte assez osée pour lui avoir résisté. Oh, se venger, faire payer avec des larmes de sang, ceux qui, en lui tenant tête, avaient détruit les plans de sa vie.

— Oh, comment leur faire payer tout ça, songeait-il souvent les poings crispés.

Hélas, les circonstances allaient le servir bientôt pour assouvir pleinement sa vengeance, satisfaire complètement son cœur diabolique.

Un matin, le soleil vint poser ses rayons sur le berceau où reposait le premier-né de Gilberte. Un superbe garçon. Il reçut au baptême le nom de Georges-Étienne. Marie Barre fut sa marraine, et le médecin de la famille, son parrain.

Quelques jours après la naissance de l’enfant, alors que la convalescence semblait pourtant marcher normalement, Gilberte, cette maman de vingt-trois ans, fut foudroyée par une embolie.

La soudaineté de ce trépas anéantit la pauvre vieille Marie. Hébétée, elle ne faisait qu’aller et venir du cercueil au berceau. Ses lèvres tremblantes mêlaient des mots de prières et de caresses, et pour la mère et pour le fils.

Dans cette pénible circonstance, les voisins charitables vinrent offrir leurs services, mais le vieux Joachim les refusa. Il ne consentit à accepter que ceux de Mélanie Bêlon, une femme bonasse, ni vertueuse ni méchante.