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Debout, maintenant, les traits brisés, la sueur au front, il clama sa détresse.

— Je suis le fils de la honte, et tout en moi crie la droiture. Je sors d’une boue de luxure, et dans mon cœur et dans mon âme, je ne vois que propreté morale. Dans mon être affolé, deux personalités se font face. L’une qui est moi, l’autre que je ne connais pas et dont la sordidité m’éclabousse… Oh, comme je voudrais la tuer, celle-là !

À cet instant, Paul Bordier subissait les déchirures d’un combat monstrueux. Toutes les qualités de probité et d’honneur, qu’il avait héritées de son père et de sa mère, se révoltaient contre la tare qui les attaquait ; et cette lutte donnait au malheureux des spasmes de désespoir. Il vit crouler dans un amas informe, sa fierté et l’estime de soi, et sur le tout se dessiner les mots ignobles : « Tu es le fils de la honte. » Il résuma sa souffrance :

— J’endure l’agonie de l’homme en santé, aimant la vie, que l’on a forcé à boire un poison, et qui se sent mourir.

Eustache s’approcha de son fils, et l’obligea à l’envisager.

— Paul, mon cher enfant, cesse de te martyriser. Chasse de ton cœur le souvenir de ta pénible origine. Relève la tête, porte-la bien haute, car tu es beau, et ton âme est plus belle que ton corps.

— Une fleur poussée sur un fumier… laissa tomber Paul de ses lèvres exsangues.

— Oh ! en respirant les corolles parfumées, en regardant le coloris des pétales, on ne pense pas aux