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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Le 3 juillet.

Je me suis trouvée hier au soir chez M. et madame Sexton, avec Daniel Webster et plusieurs autres personnes. Webster n’a pas l’air bien portant ; son teint est d’une pâleur jaune ; il se tient beaucoup à l’écart, est silencieux, semble lourd et ne pas être à ceux qui l’entourent. Sa femme, jolie et amicale, le plaça à côté de moi, en me souhaitant le plaisir de causer avec lui. Webster a des yeux remarquables ; quand il les tourne vers quelqu’un, on croit plonger le regard dans des catacombes pleines d’antique sagesse. Cependant il n’en sort pas grand’chose dans la conversation et la vie de société journalières ; la profondeur doit être profondément logée dans cette tête magnifique. Webster est d’une simplicité parfaite et sans façon, — c’est une nature décidée, qui se montre ce qu’elle est ; de celles, je crois, dont les forces ne se réveillent tout à coup que dans les grandes circonstances.

Anna Lynch a raconté aujourd’hui à table d’hôte qu’on avait dit de Webster : « Personne n’est aussi sage qu’il en a l’air. » — « Pas même Webster ! » ajouta Berrian sur-le-champ. Ce qui fit rire tout le monde avec approbation. Anna Lynch et moi sommes assises à un coin de la table d’hôte avec Clay entre nous et de chaque côté divers hommes du Sud ; de sorte que, par ma petite amie, je me trouve au centre du parti favorable à l’esclavage. Henry Clay ne peut pas cependant être classé de ce côté. Je demeure à l’hôtel National, mais j’irai sous peu habiter une maison particulière, où je suis invitée depuis longtemps. Dans cet hôtel, c’est une vie de société incessante, il y fait