principal, maison à un étage, — il m’a fallu voir pendant toute la journée une troupe de négresses travailler sous le fouet, dont les claquements (en l’air, il est vrai) retentissaient sur leurs têtes, et entendre le cri impatient du pousseur (un nègre) « Dépêchez ! avancez ! » qui entretient leur activité. Et la nuit, — toute la nuit, j’ai entendu leurs pas fatigués sur les grandes dalles sous ma fenêtre, tandis qu’elles y étendaient les cannes à sucre écrasées apportées des moulins pour les sécher. Pendant le jour, elles sont occupées à ramasser les cannes sèches ; le travail, dans une plantation sucrière, continue jour et nuit sans interruption, tant que dure cette récolte, et c’est, à Cuba, pendant toute la période appelée la sèche, environ la moitié de l’année. Il est vrai que j’ai souvent entendu les femmes bavarder et rire en travaillant, et sans faire attention aux claquements du fouet ; que j’ai souvent entendu, pendant la nuit, les chants et les cris joyeux africains, — dépourvus ici de toute mélodie, — retentir dans les moulins à sucre. Je savais aussi que les travailleurs de cette plantation se relevaient de six heures en six heures, de manière à avoir toujours six heures sur vingt-quatre pour se reposer et se délasser, et que, les moulins se reposant deux nuits par semaine, les esclaves pouvaient compter sur une nuit entière. Malgré cela, je ne digérais pas la chose, et ne le puis encore, mais je la supporte mieux depuis que j’ai vu la gaieté des esclaves au moment de leurs repas, leur air bon et généralement joyeux dans cette plantation.
J’ai visité plusieurs fois le « Bohen » des esclaves noirs. C’est une espèce de mur bas, élevé des quatre côtés d’une vaste cour, avec une grande porte fermée à clef pendant la nuit. Celles qui donnent accès aux chambres des esclaves sont du côté de la cour. Chaque