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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/121

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

vie. À Charleston il les nourrit, les habilla avec son travail. Toutes les semaines il apportait à chacun des deux enfants trois dollars pris sur ceux qu’il gagnait, et continua ainsi jusqu’à ce qu’ils fussent devenus de jeunes hommes et lui un vieillard.

Mon hôte se fit marin et gagna une fortune par son activité et son bonheur.

Après avoir acheté une plantation à Cuba et s’y être marié, il prit le vieux Samedi chez lui, le soigna à son tour, et lui donna chaque semaine trois dollars comme argent de poche, en retour de ceux qu’il avait reçus de lui dans son enfance. Samedi a vécu ici longtemps heureux et sans soucis, aimé et estimé de tous. Il est mort à un âge fort avancé il y a une couple d’années. C’était un chrétien sincère et très-pieux, un bon chrétien sous tous les rapports. M. Chartrain a donc été fort surpris en trouvant sur la poitrine de Samedi, après sa mort, une amulette africaine, c’est-à-dire une feuille de papier sur laquelle étaient imprimés, en caractères très-fins, quelques mots de l’idiome africain, auxquels le nègre paraissait attribuer un pouvoir surnaturel. Mais le bon christianisme ne s’inquiète pas de ce reste insignifiant de superstition païenne, conservé en souvenir du crépuscule de la vieille nuit. Nos paysans, bons chrétiens en Suède, ne peuvent s’empêcher de croire encore aux elfes et aux lutins, aux vieux devins, aux vieilles sorcières, et j’y crois moi-même jusqu’à un certain point. Les lutins ne manquent pas et font encore rage :

« Quiconque sait réciter son Notre Père convenablement n’appréhende ni diable ni lutin. »

Cependant

« Qu’il fait sombre là-bas bien loin, bien loin dans la forêt ! »