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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/127

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

étoiles sortaient, en scintillant avec douceur, de la profondeur du ciel bleu. De l’endroit assez élevé où nous étions, on apercevait les feux rouges d’un four en terre, peu éloigné du moulin à sucre de M. Chartrain ; nous entendîmes des chants et des cris sauvages s’élever des moulins des environs. Là était le travail des esclaves, une vie sans repos, l’empire du fouet, le fourneau ardent de l’esclavage ; ici la liberté, la paix et le repos, sous le beau ciel des tropiques, au sein de son riche verger. Ce contraste était frappant.

Cuba est à la fois l’enfer et le paradis des esclaves. Dans les plantations ils ont un travail plus rude, mais plus d’avenir et d’espoir en fait de liberté et de bonheur que l’esclave des États-Unis.

L’esclave auprès des fourneaux ardents peut lever les yeux vers les hauteurs où les palmiers lui font signe, et penser : « Je me reposerai un jour sous leur ombre. » Quand il y est parvenu, quand il vit comme le vieux Pedro, dans une cabane qu’il a bâtie de ses mains, sous des arbres qu’il a plantés, ou comme le noir au bras écrasé et sa femme, — qui pourrait se vanter d’être plus heureux qu’eux ? Le soleil leur donne des vêtements, la terre leur donne, en échange d’un peu de fatigue, une nourriture abondante ; les arbres laissent tomber de bons fruits à leur intention, fournissent des palmes pour couvrir leurs maisons, nourrir leurs animaux. Chaque jour est beau, exempt de soucis, chaque jour a ses jouissances — du soleil, du repos, des fruits, la vie dans un air dont la seule aspiration est une félicité ; le nègre n’en demande pas davantage. Et lorsqu’il voit, le soir ou la nuit, briller les feux rouges des moulins à sucre ; lorsqu’il entend les claquements du fouet et des cris, alors il peut lever les yeux vers les douces étoiles, et louer le maître des cieux, qui a préparé