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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/132

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LA VIE DE FAMILLE

et l’inspiration des danseurs ; mais celles-ci sont très-limitées, et ne dépassent pas les frémissements, les bonds et les cabrioles dont j’ai parlé. Si une personne danse bien, hommes et femmes sortent du cercle, suspendent leurs mouchoirs de cou sur ses épaules, posent sur sa tête un chapeau ou autre parure. J’ai vu une jeune négresse tourner avec un chapeau d’homme sur la tête et entièrement chargé de mouchoirs. Mettre une petite pièce de monnaie en argent dans la bouche d’une dame dansante est un usage reçu, — mais non des plus distingués, — pour terminer la danse. Trois tambours appuyés contre l’amandier accompagnaient le chant avec leurs instruments en se servant des poignets, des pouces, de baguettes de bois. Ils faisaient autant de bruit que possible, mais toujours avec une mesure et un rhythme parfaits.

La journée étant très-chaude, le linge des cavaliers frémissants ou à courbette était dans un état à croire qu’ils sortaient de la mer. Ils n’en dansaient pas moins de tout leur cœur, et paraissaient capables de continuer à chanter et à danser sans fin. Mais un vigoureux claquement de fouet se fit entendre à peu de distance, et tous les danseurs coururent avec soumission au travail. Les esclaves de Cuba n’ont pas de jours fériés pendant la saison sèche, quoique dans la plantation de M. Chartrain il leur soit permis de cesser leur travail pendant une couple d’heures durant la matinée du dimanche.

Combien cette danse sous l’amandier est animée, idéale, comparativement à la plupart de nos danses de société, la valse exceptée, qui n’ont pas assez de naturel ! Celle des nègres en a peut-être trop, mais elle est pleine de vie et de franchise, et a cela de bon, que toutes les personnes de la compagnie peuvent y prendre part comme danseurs,