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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

portant le nom de Phinney, composée d’un mari, âge mûr ; de sa femme, beaucoup plus jeune que lui, de deux fils et de deux filles. M. Phinney est un ardent républicain, assez courageux pour exprimer en toute circonstance ses sympathies républicaines en face de l’absolutisme espagnol de l’île. Il le ferait, dit-il, « devant la bouche d’un canon de vingt-quatre, » et je le crois ; c’est pourquoi il me plaît. Madame Phinney est née en Angleterre. Quoique approchant de la cinquantaine, son visage a conservé la grâce et la gentillesse de l’enfance, jointe à l’expression de la plus grande bonté maternelle. Elle ressemble à ces sources d’eau douce que Dieu fait jaillir çà et là dans les déserts sablonneux des tropiques pour rafraîchir les voyageurs qui les traversent ; autour de ces sources croissent les palmiers, les gazons verdoyants. Quand je rencontre de ces natures d’une bonté complétement originale, je me demande involontairement pourquoi nous n’en voyons pas davantage.

De la façade du corps de logis principal, on a une vue magnifique sur le pays et au delà jusqu’à l’Océan. J’en jouis, ainsi que de la brise de mer, en me promenant sur la large terrasse, durant des matins et des soirs incomparables. Ma chambre est auprès de cette terrasse ; mais je suis souvent dérangée par les petits nègres qui grimpent aux barreaux de mes fenêtres, regardent dans la chambre en criant : « Bonjour, madame ! bonjour, madame ! » ce qui, malgré leur bonne et joyeuse figure, leurs dents et leurs yeux étincelants, n’est pas toujours agréable quand on veut être en paix. C’est véritablement un plaisir de voir les petits nègres de cette plantation si peu craintifs. Ils le doivent à la bonne et maternelle madame Phinney et à ses deux filles. Ces enfants son évidemment bien soignés,