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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Je passe d’ordinaire un moment de la matinée dans la famille Tolmé pour faire le portrait de madame Tolmé, que je veux emporter comme souvenir de l’une des meilleures et des plus maternelles femmes de la terre.

Tandis qu’elle pose, madame Tolmé me raconte les expériences qu’elle a faites pendant sa vie relativement au caractère des nègres. Ses observations s’accordent, quant aux choses principales, avec celles de madame Phinney. Elle dit à ce sujet : « Il y a une grande variété de caractère et d’humeur chez les nègres comme chez les peuples de la race blanche ; mais ils sont, en général, plus accessibles au dévouement, à la tendresse, à la reconnaissance. La race blanche commet une grande erreur en accusant les nègres d’ingratitude. Elle en fait des esclaves, leur demande un travail continuel, et veut ensuite qu’ils soient reconnaissants. Reconnaissants de quoi ? Quiconque sera véritablement l’ami des nègres trouvera chez eux de la reconnaissance, un esprit noble. J’ai eu pour mes enfants des bonnes blanches et des bonnes noires, je n’ai jamais été complétement satisfaite que de ces dernières. »

Madame Tolmé m’a raconté, comme une preuve touchante de l’amour et de la force de caractère des nègres, l’histoire d’un jeune couple qui s’aimait sans pouvoir se marier, le maître de la négresse refusant avec opiniâtreté d’y consentir. L’amour n’en marcha pas moins, et les jeunes amants eurent un enfant. Le maître de la négresse, furieux, lui défendit de voir le jeune homme, et à celui-ci de venir voir son enfant. Ce nègre, au service de madame Tolmé, était parfait à un défaut près : il aimait les boissons spiritueuses et était souvent ivre. Il s’abandonna davantage à l’ivrognerie quand le chagrin de ne pas voir sa femme et son petit garçon le réduisit au désespoir. Ma-