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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/203

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

l’eau, soit en voltigeant, et, malgré la tempête, les averses, je passe une fort bonne nuit.

Le lendemain, levée du camp et retour au cafetal par le même filet d’eau qui nous a conduits à la plage. Chaleur et gêne de toute espèce ; désespoir, silence de mon côté, d’augmenter cette gêne par la présence d’une personne de plus, et j’admire madame de Carrera qui, quoique mal portante elle-même, n’en cherche pas moins à garantir avec son parapluie le plus grand nombre de ses petits enfants contre l’ardeur du soleil, et en même temps d’en préserver mes pieds. Le plus jeune, « bambino, » crie de toutes ses forces pendant la moitié du chemin.

Enfin on arrive épuisé au cafetal, et dans un état assez piteux.

Mais nous ne tardons pas à nous remettre, et le soir nous prenons place sur la jolie terrasse. Nous voyons les cucullos lumineux s’élancer en l’air, nous écoutons la seguidilla espagnole que le romantique Alfred Sauval chante en s’accompagnant de la guitare, avec une voix agréable et une méthode des plus musicales. L’âme s’en trouve bien. Quelle différence il peut y avoir entre chant et chant ! Les seguidillas, chansons populaires espagnoles proprement dites, ont aussi une âme populaire particulière où se trouve une fraîcheur et un naturel inexprimable, l’inspiration d’une jeune vie originelle. Elles ont cela de commun avec nos chansons populaires, si différentes qu’elles soient, du reste, quant à l’esprit et au caractère. Nos mélodies sont plus profondes et plus riches, mais dans les seguidillas il y a plus de soleil, une vie plus gaie, plus chaude.