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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/209

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

d’ici, où je pourrais vivre sans souffrir de ce qui se passe près de moi. Madame de Carrera est un peintre distingué de fleurs, de papillons et autres objets naturels. Depuis ses malheurs (elle a perdu son mari, le marquis de Carrera, et son plus jeune fils, morts du choléra) et les grandes pertes qu’elle a éprouvées lors du dernier ouragan, elle n’a plus le goût de la culture des arts.

La saison pluvieuse approche, les fleurs de divers arbres s’épanouissent, le nombre des cucullos augmente, et ils font ici, comme à Industria, mon plaisir et mon tourment. Madame de Carrera ne tarit point sur la magnificence de la végétation, sur la splendeur du jeu des couleurs dans les nuages pendant la saison pluvieuse. Peu s’en faut qu’elle ne me donne l’envie de rester pour voir tout cela — avec elle.

Nous sommes maintenant seuls ici, madame de Carrera, son plus jeune fils le gigantesque Sidney Sauval, et trois enfants de son second fils. Madame de Carrera donne des leçons à ceux-ci dans la matinée, tandis que je suis dans ma chambre occupée à peindre et à écrire. Nous passons ensemble les après-dîners et le soir. Il est impossible de vivre plus agréablement ; mais la rage du dessin continue et ne me laisse aucun repos. Je fais le portrait de madame de Carrera, afin d’emporter chez moi son doux visage, ses beaux yeux pleins d’âme où la sienne se peint si parfaitement. Je dessine la belle tête romaine de Sidney Sauval, un groupe de charmants enfants, des arbres avec fleurs, fruits, oiseaux, et suis constamment dans un demi-désespoir par suite de l’obligation où je me trouve de rester peu de temps ici, et de la crainte de ne pouvoir venir à bout de tout. Ce cafetal est l’une des plantations les plus jolies et les mieux soignées que j’aie vus jusqu’à ce mo-