Aller au contenu

Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
207
DANS LE NOUVEAU-MONDE.

hommes, et dont je serai éternellement reconnaissante. Une pensée surtout me rend heureuse. Je suis venue ici en inconnue, même sous le rapport de la renommée littéraire, car les livres européens arrivent fort rarement à Cuba ; sans rien qui pût me recommander, excepté ma qualité d’étrangère venant d’un pays lointain, « celui de Gustaf Adolphe et de Christine ; » et, après un séjour d’un peu plus d’une semaine, on me considère dans la maison comme une sœur et une amie. Ceci s’est renouvelé dans plusieurs foyers de Cuba. Il en est résulté pour moi le sentiment joyeux de l’existence d’une parenté entre les âmes. Dès qu’elle est parvenue à exercer son droit, elle forme un lien plus fort que tous les liens extérieurs. Il m’est arrivé rarement dans les foyers étrangers de me sentir chez moi comme dans celui-ci. Madame de Carrera est de ces personnes que je pourrais aimer de tout mon cœur et avec lesquelles je pourrais vivre d’une vie journalière commune.

Les fleurs et les fruits commencent à se montrer en plus grande quantité ; j’en ai vu plusieurs qui m’étaient inconnus. Les îles de l’Océan méridional, ces bien-aimées du soleil, surabondent de fruits et d’épices. La table de madame de Carrera est des plus délicates, mais aucun de ses mets recherchés ne m’a plu comme le plat favori des nègres, le « foufou, » sorte de pudding un peu coriace, mais du meilleur goût. Ils le font avec des bananes ou platanos pilés, et le mangent avec une sauce tomate ou autres légumes. C’est un plat remarquablement bon et sain. Après notre pomme de terre, qui est une rareté à Cuba, je ne connais pas de racine aussi bonne, agréable et friande que la yuca. Elle se mange comme les pommes de terre, avec du beurre frais, et pousse aussi bien dans le terrain maigre des noirs que dans les riches cafetals des