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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/238

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LA VIE DE FAMILLE

à vapeur remontent la rivière, s’amarrent devant la colonie. On fait échange de marchandises, on distribue des journaux. Au bout de deux ans, il s’est formé ici une ville de deux mille âmes, des femmes maternelles fondent des écoles du dimanche, réunissent les petits enfants dans l’église pour leur enseigner le christianisme, et créent des asiles pour les petits orphelins. La boutique naît en même temps que l’école, et l’église indique la demeure des Anglo-Américains. L’homme rouge se retire partout, presque sans résistance aujourd’hui, avec ses tentes, ses femmes avilies, et va dresser ses tentes, rallumer ses feux plus avant dans le désert. Il sait par expérience que cette colonie nouvelle sera en moins d’un demi siècle une grande ville avec cinquante mille habitants et plus.

J’ai parlé du progrès de l’homme nouveau de l’Ouest, mais pour être juste, je dois dire aussi quelque chose de l’homme ancien, car, hélas ! il pénètre en même temps que l’autre sur la terre nouvelle, et, comme un vieux pécheur, s’enivre, se bat, joue, vole, trompe, se boursoufle autant qu’en Europe. Dans le Grand-Ouest, près du Mississipi et de l’océan Pacifique, c’est peut-être pire encore, parce que la foule des aventuriers sans conscience s’y amasse plus qu’ailleurs, et que la force nécessaire pour les contenir n’a pu encore se faire respecter complétement. La liberté est encore ici dans l’adolescence.

L’une des grandes difficultés de la civilisation de l’Ouest, c’est l’émigration qui s’y fait d’une grande partie de la population la plus brute et la plus pauvre de l’Europe, des enfants perdus des États orientaux de l’Union. Cependant cette population se régularise insensiblement sous l’influence de la civilisation du Nouveau-Monde ; tous les ans le nouvel Adam acquiert plus d’influence sur l’ancien, à