agréable. Le capitaine était posé et bon ; les nègres composant l’équipage paraissaient libres de faire à peu près ce qu’ils voulaient, et comme ils avaient la volonté de bien faire, ils étaient contents et joyeux. Le cuisinier, homme jeune et se tirant parfaitement de sa besogne, était une tête spirituelle, disait et faisait beaucoup de choses amusantes ; mais la perle de notre équipage était Sam, le petit domestique qui nous servait. Alerte, intelligent et toujours bien disposé, il faisait toutes nos commissions, servait à table, venait à bout de tout, était toujours gai. Nous n’avions pas de servante à bord, ce dont nous étions contentes, car celles qu’on trouve à bord des bateaux américains sont rarement des modèles de propreté, qu’elles soient blanches, noires, brunes ou jaunes.
Le seul tourment que j’éprouvai durant cette navigation fut le penchant au meurtre dont l’un des passagers était possédé, et qui le poussait à tirer non-seulement sur les alligators à droite et à gauche de nous, mais encore sur les jolis oiseaux aquatiques, sans aucune utilité pour lui. C’était douloureux de les voir s’abattre blessés dans les roseaux. Je pris la liberté de lui faire une représentation sur l’inutilité de tous ces coups de feu. Il sourit, en convint, et continua à tuer. Je lui souhaitai in petto une mauvaise digestion.
Quant aux alligators, je ne puis éprouver de compassion pour eux ; ils sont si laids, si cruels ! Ils n’osent pas, à moins qu’on ne les attaque, s’en prendre aux grandes personnes, mais ils avalent sans cérémonie les petits enfants nègres. Comme ils nagent avec la partie supérieure du corps au-dessus de l’eau, ils n’est pas difficile de les atteindre avec une balle entre le ventre et les pattes de devant. Ils plongent aussitôt, ou bien, s’ils ont été griève-