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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/295

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

que qui traverse en folâtrant les rideaux blancs de mon lit, quand j’entends le rossignol de l’Amérique exprimer en un si grand nombre de langues ses inspirations mélodieuses dans les arbres en face de ma fenêtre, alors j’aime la patrie de l’été, et ne suis pas étonnée du ravissement qu’elle a causé à Ferdinand de Soto et à ses jeunes compagnons.

Nous resterons ici une couple de jours pour attendre un bon bateau à vapeur qui nous conduira à la plantation de M. Cooper, près de Darien ; de là nous retournerons à Savannah.

La plantation où nous sommes est une contrée sablonneuse, et le sable empiète considérablement sur le charme de la vie à la campagne. Il y a sur le bord du fleuve un sentier qui longe une rive sauvage et boisée des plus pittoresques par les masses d’arbres et d’arbustes qui se dressent comme une haute muraille entre le rivage et les champs à blé situés plus haut. Des magnolias magnifiques couverts de fleurs élèvent au milieu d’eux leurs couronnes sombres et touffues ; c’est l’arbre de luxe des États du Sud. Je me promène seule l’après-dînée, et m’étonne parfois de ne pas entendre le signal précurseur du serpent à sonnette, car ce reptile a la générosité d’annoncer sa présence avant d’attaquer ou qu’on s’approche trop près de lui. Quoiqu’il y en ait beaucoup dans la Floride, je n’en ai pas vu ni entendu un seul vivant. En revanche, j’en ai vu un, cette après-midi, qu’un nègre de la plantation avait tué, et qu’il traînait vers le logis du maître. Ce serpent était assez long et gros comme mon bras. Sa tête était en mauvais état par suite du coup qui l’avait tué, et ses dangereux crocs étaient découverts. On m’a fait cadeau de sa sonnette et de ses quatorze anneaux, pour les em-