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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

le mal, se rapproche davantage des esprits anges ou démons.

Je lutte souvent ici avec une habitante de la Nouvelle-Orléans, qui, pour me prouver la justice, la légalité de l’esclavage et le bonheur des noirs soumis à cette admirable institution, recourt à des sophismes et des raisons tellement opposés les uns aux autres, avec un mépris si surprenant de toute logique et bon sens, que j’en deviens muette d’étonnement.

J’évite, du reste, autant que possible, toute conversation sur ce sujet. La question de l’esclavage est un œil malade qui souffre dès qu’on y touche. Elle fait mal aux bons, irrite les autres, c’est pourquoi je me tais quand je puis le faire consciencieusement. Du reste, il est évident que la question ne restera pas stationnaire ; l’œuvre de la délivrance des enfants de l’Afrique est déjà commencée ; la position des noirs s’améliore d’année en année, même ici.

Je voudrais pouvoir te présenter un propriétaire d’esclaves formant contraste à la sombre figure de madame Lalloru, — je n’en connais pas ; il doit cependant y en avoir. Le mal fait beaucoup de bruit, le bien passe presque inaperçu. Mais voici un propriétaire d’esclaves qu’on peut comparer à une porte de prison ouverte. Il est mort à la Nouvelle-Orléans il y a une couple d’années, en laissant une fortune de plusieurs millions de dollars, dont il a disposé en faveur des établissements de bienfaisance de la Louisiane. Cet homme, appelé Macdonough, était d’une avarice sordide, faisait des économies sans pareilles sur lui-même, ne donnait jamais rien à personne, quand même il se serait agi d’un proche parent ou de quelqu’un sur le point d’expirer de besoin. Économiser, mettre sou sur sou