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LA VIE DE FAMILLE

Hier, il a fait soleil toute la journée, et aujourd’hui je me suis promenée dans le jardin de l’évêque, à l’ombre des palmiers, des bambous et d’une foule de beaux arbres des tropiques. J’ai passé, au milieu de fleurs, de papillons extraordinaires et jolis, une matinée délicieuse ; j’étais le seul esprit en ce lieu qui chantât les louanges de Dieu entouré des esprits muets de la nature. Ah ! lorsque le Créateur nous montre d’aussi belles choses, nous fait éprouver une pareille joie, quels trésors ne réserve-t-il pas à ses enfants délivrés de la poussière, et ressuscités au delà du tombeau !

La beauté de ces arbres, de ces fleurs, de cet air, me fait pressentir dans la création une splendeur, une plénitude de vie et de sentiment chez la nature qui dépasse tout ce que j’ai éprouvé jusqu’à ce jour. Comme nous sentirons et chanterons la gloire du Créateur, quand la nature sera devenue un univers achevé, un hymne de louange, de grandeur, de suavité ! Nous ne sommes point assez hardis, il y a trop peu de foi dans les regards que nous plongeons dans le royaume céleste, en deçà de la mort, il y a trop peu d’imagination dans la représentation que nous nous faisons de la puissance et des richesses du Créateur.

Les allées de palmiers de Cuba, ses bosquets de bambous, le jasmin jaune, qui s’étendait d’un arbre à l’autre en lianes odorantes, l’air délicieux imprégné de la vie la plus pure, me suggéraient des pensées, des pressentiments à leur égard ; j’avançais seule dans ces allées, dans ces bosquets silencieux où des centaines de jolis papillons inconnus pour moi s’élançaient de l’herbe humide, et je louais Dieu au nom de tous les êtres. Que j’ai été heureuse pendant cette matinée-là !