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POESIE

lu des vers de Victor Hugo, de Lamartine et de Th. Gautier, et j’étais moins ignorant. Je travaillais sans conseil, mais je commen- çais à comprendre la valeur du rythme et des mots. De plus, mes études de peinture m’initiaient peu à peu aux choses de la nature et aux lois de Fart plastique, et me montraient quelle analogie il y a entre celles-ci et celles de la poésie : pro- portion, rythme, coloration, gradation, unité, variété et bien d’autres. Je compris le rapport qu’il y a entre les vi- brations des mots et celles des couleurs, entre leur allure et celle du dessin. Les mouvements et les nuances des mots correspondent aux mouvements et aux nuances de la peinture. Les mots sont sonores ou étouffés, rapides ou lents, tendres ou énergiques, on pourrait presque dire clairs ou sombres. Leur association peut imiter les ombres, les demi-teintes, les lumières, les attitudes, les mouvements, les couleurs et même les con- tours, comme les combinaisons des lignes et des tons. Leur effet, bien conçu en quelques phrases, évoque les images avec une clarté que n’ont pas souvent les longues et minutieuses descriptions dont beaucoup fatiguent sans rien montrer.