Page:Breton - Un peintre paysan, 1896.djvu/196

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l84 POÉSIE lion, serait celui d’un joaillier qui n’aurait à serlir que de grossières verroteries. Quelles admirables ressources offre noire langue française pour toutes sortes d’effets! Je tremble lorsque je songe que même des acadé- miciens parlent de la remanier. Comme je com- prends que cela ait provoqué une des dernières indignations du grand poète que pleure la France, Leconte de Liste. Quoi de plus mystérieux que la création des vers ? Il y a l’inspiration, la fécondation, la concep- tion, l’incubation, l’éclosion, travail obscur. Une idée naît tout à coup, dont souvent on ignore l’origine. C’est comme un choc d’où jaillit un trait de lumière ; quelque chose d’inef- fable, l’absorption d’un germe dans une féconde ivresse. Cette idée est vague pourtant, et parfois si insaisissable, si subtile, qu’il semble qu’aucune expression ne pourra la fixer. Vous vous y essayez vainement : non ! elle n’est pas réali- sable. Et, à regret, vous renoncez à la poursuivre. Mais c’est elle qui vous obsède maintenant, et elle ne vous lâchera pas. Et, de loin en loin, de mystérieux tressaille- ments vous rappellent que votre cerveau a conçu. Et, forcément, vous rattachez à cet em-